Tigres externalisés (extrait)

Tigres externalisés

(…)

les tigres étroits se glissent entre leurs rayures
ne demeure ici qu’une inquiétude légère
marcher
marcher encore, entre tigre et parenthèse
sous les mots lessives qui claquent au vent ordinaire
esclaves d’enclaves qu’en dira-t-on


j’attends depuis des jours
au bureau des hébétudes
et autres obsolescences ramifiées

ça tombe bien: je ne suis pas là
non plus que les grilles d’oiseaux

j’attends les rayures des tigres
qui sécheront –et l’écho –
au soleil des minuits échoués

là-bas saurisseries blêmes jeux de schistes
grouillent les peintres
doublement aveugles


Cousue dans la peau des tigres

À remonter la source des tigres
– griffes qui se déchirent sur les lignes –
plages sécantes saignées de chiffons
formés en pantins

rien ne veut rien dire

le bond sans merci
m’éclabousse d’étouffements
clés vides qui tournent et creusent
au-dessus loin

cousue dans la peau de mes tigres

les yeux cherchant les yeux
pour essayer de lire encore
la lumière qui me fuit
et la vague révulsée

silence barrelé des racines


En attendant les rhinocéros au fond de l’herbe, j’ai levé la tête, un peu.
La terre tremblait doucement, m’a-t-il semblé: elle aussi les espérait

J’ai vu les plissements hercyniens d’où surgit un croissant lunaire
– fragile rugosité – fragment de craie qui s’efface

J’ai cru voir encore, très bas, se dessiner un fin sourire blanc
qui se moquait pas mal du rêve d’oiseaux sur son dos

(…)

Extrait de Tigres Externalisés, recueil poétique inédit de Léo Kennel

Offrande aux Sélénites de la lune bleue du 31 octobre 2020.

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