l’ode au doc

Serions-nous les sujets qu’il fallait
A l’indicible ici presque verbalisé ?
Détournement de compléments
Désirs conjugués à tous les temps :
L’éternité tremble…

Imparfaite bouche au passé décomposé,
Fuite en avant, normes et dépassement,
Entrechat de nos pas qui ne s’épousent pas
Nos yeux en miroir où voir demain se séparent

Aller- retours et actes manqués
Jusqu’au prochain rendez-vous cartonné
Doucement glissé en toute conformité
De sa sûre écriture au crayon de papier.

Ses sous-marines attitudes me câlinent,
Son souffle chaud sirocco dans ma bouche
Des mots doux plastiqués me touchent

Mes salades, drôles de farces
Et ses palabres délicates
Piments rouges salaces ;
Entre d’éloquentes pauses,
Les mots qu’il ose

Son vocabulaire, sa fraise,
La pâte mentholée
Qu’il engouffre dans mon palais
J’en suis folle et bien aise ;

Allongée je vibre à ses idées,
Je n’ai qu’à l’ouvrir et la fermer
Condamnée à des borborygmes
Je dois me contenter
De quelques répliques
Placées à la va-vite.

Sa tour d’ivoire, tout son savoir,
Babel pourrait bien retomber
Si nos langues se mélangeaient !

Ses joues soudain roses émues
Me disent son trouble, m’amusent.

-Quoi, l’Amérique ?

Las Végas, c’est un camion-bar à glaces
Juste en face des bateaux qui partent :
Tamarin, mangue ou victoria l’ananas
Pour mieux voyager sur place?

J’y songe en secret,
Pendant qu’il diagnostique
Sur mon état de santé,
Les pupilles rivées
Sur l’image numérisée.

Penché sur les abîmes
De mes racines javellisées,
Il prend des airs protocolaires
Et doctement pronostique
Sur la durée des soins multiples
A envisager.
Mesures prophylactiques,
Ultra souple fil dentaire
Au fluor- d’accord.

Dissension, distanciation,
Politesses en point de suspension
Bon week-end, à la semaine prochaine…

Entre bitume et dernier étage
Brûlante nationale d’asphalte
Et climatisé centre médical
Entre ciel et terre
Bonjour et bonne semaine
Entre lui et moi,
L’ascenseur

Son humeur des jours de retard,
Ombrage et mots qui fâchent.
Boudeur, il maugréé malgré lui
Se radoucit, éclaircit sa voix,
Entame un thème pour tenter
Un échange moins illusoire

Mais en fait, discrètement il enquête
Sur des faits qui bousculent, incrédules,
Résidents et patients qui passent par là

Satisfaite de son émoi dans un rire aux éclats
Je l’ose, je signe ma prose : j’avoue mon forfait.

-C’est vous qui taguez
Dans l’ascenseur ???
Non mais vous imaginez
Le travail que vous donnez
A la femme de ménage ?
Les heures qu’elle y passe ?

-Et bien quoi, se sont
Des installations,
N’en faites pas un drame !
Il y a même une dame
Qui m’a dit « merci
Le monde a besoin de poésie ! »

En vol de confettis la passion s’étiole
Feue la fantaisie adieu douce folie
Promise terre au ventre ouvert
Sur la faillite universelle
Vent d’alizé souffle sur ma peine.

Un scénario s’est inventé
Dans le huis clos du cabinet
D’un chirurgien dentiste

Un poème se brise les ailes
Aux rythmes pleins et déliés
Du vide et des combles
De mon encre tectonique,
Du va et du vient
Valsé des vendredis
Écrits dans l’ascenseur