Les pêcheurs de l'île d'Yeu

Les pêcheurs de l’île d’Yeu

Sur le quai noyé de brume, Les ombres se décolorent. Les formes tordues s’éloignent, Tout s’efface, s’évapore. Ils n’ont pas le coeur joyeux, En quittant enfants et femmes, Les pêcheurs de l’île d’Yeu Au regard couleur de larmes. Encore languis de baisers chagrins Ils en oublient le froid du matin, Et sur le pont giflé par la pluie, Un marin prie.

Ils sont cinq à partir Unis comme un seul homme, Sur leur pont des soupirs Qui tangue et s’abandonne. C’est un point sur la terre, Un îlot dérivant, Qui s’éloigne sur la mer Vers un ciel menaçant.

On dirait que la nuit va supplanter le jour, Lorsqu’une pluie glaciale déferle sur le pont, On lance un cri d’alarme pour demander secours Tandis qu’un mur de vagues emporte le timon.

Sous les assauts fous du vent Le thonier blessé se penche, Laminé par un géant, Ses flancs brisés se déhanchent. Ils dormiront loin du quai Les pêcheurs de l’île d’Yeu, Tête-nue les doigts croisés, Sans couronne et sans adieux. Et quand les vagues auront balayé Les mille épaves du pont torturé, Dans le silence du temps révolu, A corps perdu, Ils dormiront, ils dormiront…

Ghislaine Poncelet Pfaff 1er prix 2004 Printemps des poètes à Mirecourt