Sculpture

Maître de symphonie au bal de la poussière de basalte
Lapides-moi des lambeaux de ton cœur de roche éclatée
Joues-moi tes formes instinctives, outrancières avec la pierre
Scarifie-moi chocolat sur tes feuilles de choca
Enfonces en moi ta falaise aux coulées de braise
J’entends chanter la rivière, l’eau danse sur les galets.

Quand je serai suave et sucrée, tendre et reposée,
Conquise et vaincue, désarmée et nue,
Je me caresserai dans ton regard d’azur et d’infini
Déborderai, serai fontaine et fleuve et torrent
Nymphe des nymphes au Jardin des Sublimités.

Tu m’ouvriras ta bouche, te délecteras de mon miel
Tu toucheras de ta langue les traces amères de l’errance
Aigre-douces de liberté, l’âcre goût de mon enfance
Matins de givre, cristal ogive aux arbres noirs et nus
Sous-bois mouillés dans le froid piquant de l’hiver
Soleil sur glace, neige rosée dans l’autre hémisphère

Ivre de sens, avances, enivres-toi encore
Des odeurs d‘encens, myrrhe et bois de santal
Coco, fleurs d’ylang-ylang ou frangipane,
Aussi douces que la mousse humide et fraîche
En dessous de tes pas dans mon jardin secret.

Bois jusqu’à la lie dans le grand calice de la vie
L’humble vin de mon pays, cher à ma chair
Chargé de sucre et de tanin, âpre, lourd et dur;
De vallées obscures en lumineuses prairies
Repais-toi de mon plaisir et de mes cris
Jusqu’au silence de ma renaissance

Quand il fera doux que les alizés auront cessé
De battre à mes tempes leur hymne insensé
Quand l’horizon reviendra courbe pure, sérénité
Que les dernières ombres auront trépassé
Le scandale et la grâce pourront s’affronter.

Dans mon cœur de cathédrale vide, sec aride et rocailleux
Avec mes bons dieux de mécréante, chant, résonances
Ma prière s’y fredonne encore et s’y tient en veille
Paganisme et foi, O mon seigneur O mon roi
Mes ailes plus jamais ne pourront se briser, je prie
Comme je languis comme je t’aime de m’avoir aimée

Reposes en mon sein, dans mes reins sur mon ventre
Tout ton corps sur ma terre en friche à peine labourée
De tes stries, de tes strates, orfèvre doigté
Dans les sillons où semer ta magie prolifique
Regardes en moi ton œuvre, sois remercié.