Caloubadia

Dans son vieux costard
en savate deux doigts
Le blues-man fatigué s’avance
Vers sa dernière chance,
Dans ses yeux le feu sacré
D’un griot réunionnais
Qui veille en permanence
A l’amour, sa présence;
Il pense aux grands
Tombés pour la musique

D’un pas prudent, il passe devant
Un vieux mur de pierres écroulées
Où naguère se sont frottés
Des frères et des chaînes, des boulets
On dit trop facilement que c’est du passé
Une vibration l’a traversé

Sa vieille batterie perd les pédales
Pourtant de l’autre côté
Sur les grandes scènes il fut magnifique
Danser chanter sa transe,
Passer la rampe il a gagné

Car s’il se met à jouer
C’est avec son âme
Afro-Jazz-Maloya
Vibre la forêt tropicale:
Caloubadia!
La savane de Bourbon,
L’alizé dans les cannes
Provisoire victoire
De la tradition
Sur le béton construction

Des sons d’outre tombe
Surgissent et montent
De la mémoire des cales,
Les contemporains bateaux
Où l’on nous mène en troupeaux:
Le drame de l’esclavage
Flotte encore au cours des flots